Goodbye Paris

Voilà une page qui se tourne.
Après un peu plus d’un an et demi et un peu moins de deux ans, j’ai quitté Paris.

On dit que Paris est une ville dont on tombe amoureux.
J’aimais beaucoup Paris, mais pas assez pour m’imaginer passer le restant de mes jours entre ses murs.

Paris m’amuse, Paris m’impressionne, Paris me surprendra toujours. J’y retournerai, c’est sur, mais pour quelques infidélités à Caen seulement, lorsque j’aurai besoin de respirer son odeur d’essence et de bitume brûlant.

Paris est un jeune chien fou, jamais fidèle, qui vous tend les bras dans des avenues de lumière pour vous laisser au coin d’une ruelle sombre peuplée de marginaux.

Paris est comme ça, tellement libre et insolente, qu’elle en est égoïste.

Mais Paris séduit toujours. Tous ses amoureux veulent la quitter, ou le disent au détour d’une phrase, plus par habitude que par réelle volonté. Essayez une fois de dire du mal de Paris, et vous verrez comme ils peuvent se braquer.

J’aime Paris pour sa vivacité, sa culture, son histoire, et ses fêtes imprévues. Mais j’ai parfois aussi besoin de me sentir en sécurité, de connaître chaque artère, chaque méandre, qui composent une ville.

Caen est plus rude, plus froide, peut-être plus compliqué à apprivoiser, pour en être séduite.
Certes, elle vous met moins d’étoiles au fond des yeux lorsqu’elle s’affiche sur la toile, mais lorsque je lève la tête, je peux entrevoir le bleu du ciel derrière ses façades.

J’ai choisi entre l’ami et l’amant, la passion et l’amour, et Caen a gagné.

Je n’aurai pas de regrets, je n’en ai pas pour hier, je n’en n’aurai pas pour demain, j’avance et j’apprends, c’est tout.
J’ai testé et je peux même dire « j’y étais »! Je parle en connaissance de cause, j’ai arpenté Paris, je m’y suis souvent perdue, mais on ne m’y reprendra plus.
Goodbye Paris.

Ce qui va me manquer:

_ Mes collègues en or qui arrivent le matin les bras chargés de viennoiseries

_ Les expos régulièrement renouvelées et gratuites pour les moins de 25ans. D’Helmut Newton au radeau de la Méduse, en passant par Marc Jacobs, les musées parisiens regorgent de trésors.

_ Les Starbucks à tous les coins de rue, pour l’accro à la caféine que je suis. Et le baristo nommé Nino de l’enseigne de St Lazare (niveau train) qui a toujours le sourire

_ Les voyages par procuration. On a tous un ami qui vient d’ailleurs. Aller boire un verre, c’est rencontrer des personnes cosmopolites, comme une Corso-Lyonnaise d’origine Russe, ou une Toulousaine franco-espagnole résidant à Londres.
C’est discuter avec un Marseillais hédoniste, une Toulonnaise aventurière, une marocaine fan de jazz et des anglais de passage, et rire des accents et des expressions des uns et des autres, qui vous invitent d’une poignée de main, à passer un week-end chez eux.
Ce qui explique pourquoi les Parisiens ne restent pratiquement jamais à Paris le week-end.

_ Mon voisin, ce trentenaire bobo, qui promène son chat en laisse tous les matins dans la cour de l’immeuble où se battent deux plantes vertes en duel. D’après lui, il est important pour son félin « de voir un peu la nature »

_ Les enseignes de fringues innombrables et leurs stocks régulièrement approvisionnés, sans oublier les collections capsules des concept stores

_ La liste longue comme le bras des établissements proposant des Brunchs

_ Les copains qui ont toujours rêvés d’être un artiiiiiiiiste. Le Théâtre amateur, ce n’est pas que du Boulevard, et c’est souvent très bien monté. Et pas cher.

_ L’architecture des immeubles Haussmaniens. Certains vont me jeter des cailloux, mais j’adore ces bâtiments!

_ Les distributions gratuites de nouveaux produits aux sorties de métro. C’est fou le nombre de victuailles gratuites qui peuvent être distribuées dans la rue!

_ La diversité des restos: Il y’a de tout et pour tout le monde. « Je me ferai bien un Tibétain ce soir », ça change de la pizza, non?

_ Les soirées dans lesquelles tu arrives au hasard, invité par un pote qui joue dans un bar. L’entrée est gratuite et le bar est plus bondé qu’un TGV une veille de jour ferié, mais on s’y sent bien.

_ Londres et Bruxelles sont à 01h30 en train. (Et Caen? Bah, Caen c’est à 2h15…) Je partirai bien en weekend, moi…

Ce qui ne va pas me manquer:

_ La ligne 13, la ligne L et le RER A aux heures de pointe

_ La générosité des open-spaces : Vous allez au boulot avec un rhume, vous ressortez avec une gastro. C’est l’open-bar des virus. Tournée générale!

_ La routine Métro/Boulot/Dodo qui s’insinue qu’on le veuille ou non. La faute aux 50h par semaine qui terrassent n’importe quel fêtard invétéré pourvu qu’il possède une once de professionnalisme. J’aurai aimé profité plus de la ville Lumière.

_ Le fait de commander du jus d’orange en soirée, parce qu’au bout d’un verre vous êtes complètement déchirée pompette. Les seules personnes qui restent sobres au bout de 3 verres un jeudi soir sont des alcooliques. Ou des chômeurs. S’ils enchainent avec un after, ils sont les deux à la fois.
L’avantage: Tout le monde est aussi ivre joyeux que vous. Donc vous passez inaperçue. Sauf si vous sortez avec votre collègue gay qui décide de faire du lap-dance et d’engueuler le DJ parce qu’il ne passe pas assez de Rihanna, en hurlant votre prénom pour vous inviter à le rejoindre sur la piste. Là, c’est fichu. En plus, vous passez pour une meuf relou.
Note pour plus tard: Surveiller régulièrement le taux d’alcoolémie de ses collègues.

_ Le prix des consos. Entre 12 et 30€ le prix d’un cocktail, comptez 8€ pour une bière. Il faut avoir les moyens. Sauf si on fini le travail avant 20h: là, c’est l’Happy Hour. Mais qui peut se payer des verres en Happy Hour ET être riche?

_ Travailler dans une grotte où, pour plagier Voltaire, « on n’est jamais incommodés par la lumière » = Un building sans fenêtres éclairé aux néons.

_ Les notions de géographie des Parisiens, pour qui il existe 3 régions en France: Paris (= département 75), la banlieue (= zone résidentielle des fous et des personnes ayant bradé tout lien social contre un 30m² dont ils sont propriétaires) et la Province (= Les reportages de Jean-Pierre Pernault et la réplique du salon de l’agriculture sur un peu plus de km²).
Ouf, certains connaissent aussi le Sud (= Aire de vacances située à 3h de TGV) et le Nord (= parce qu’ils ont vu le film les chtis). Nul besoin pour les originaires de l’Est de la France de scander « Rendez-nous l’Alsace et la Lorraine ». Nancy, c’est en Allemagne, non?

_ Les notions de géographie des Parisiens bis: En Normandie, il pleut, il fait froid et les gens se déplacent en bottes en caoutchouc. Le climat océanique? Connait pas. Mais il ne peut que faire plus froid et plus gris qu’à Paris. C’est la météo sur mon iPhone qui le dit!

_ Les 84,50€ de pass Navigo par mois

_ Les 650€ de loyer pour 18m². Même si vos amis vous rappellent que ça en vaut 800 et qu’il s’extasient sur le fait que vos WC sont cernés de murs et qu’ils ne se trouvent pas dans la cuisine (ce qui donne l’impression de manger dans ses toilettes et de faire ses besoins dans le frigo)

_ L’inquisition moderne = l’entretien avec un agent immobilier.
Pourquoi venez-vous vivre ici? Quel était le montant des impôts de vos 3 cautionneurs en 2008? Comptez-vous inviter des amis et de la famille dans votre appartement? Présentez moi votre carte d’identité. Où est la photocopie de votre carte vitale? Êtes vous en capacité de payer 4 fois le montant du loyer? Pouvez-vous régler une partie du loyer par chèque et l’autre par espèce? Pouvez-vous nous déposer une caution de 4 fois le montant du loyer demain matin? Ah, si vous ne pouvez pas déposer la somme de la caution dès aujourd’hui, je ne peux pas prendre en compte votre dossier. Quelles sont les coordonnées de votre employeur? Dans quel établissement avez-vous passé vos diplômes? … La seule question qu’on ne m’ait pas posé doit être quelle était la couleur de mes chaussettes le 18 Avril 2004 à 20h01…
Je précise que ces questions (pour certaines illégales) m’ont été posées par de grands groupes immobiliers qui font de la pub à la télé et non par des propriétaires particuliers.

_ L’humeur de chien matinale des habitants. Je te pousse, je te bouscule, je ne te demande pas pardon, tu ne te réveilles pas, comme d’habitude…

Je crois que j’ai fait le tour des pour et contre, non?