Visite privée du château des Ravalet

Vous ne connaissez peut-être pas le Château des Ravalet, mais vous avez certainement entendu parler de l’histoire de Marguerite et Julien. Valérie Donzelli a en effet présenté à Cannes un film racontant l’histoire dramatique et incestueuse de ces deux enfants du Cotentin, et a tourné dans l’enceinte du château.

Dernièrement, j’ai eu la chance de pouvoir visiter les pièces non accessibles au public de ce bel édifice.

Je suis très intriguée par cette histoire de château maudit – certains avancent qu’il serait hanté – j’avais d’ailleurs publié un article sur le livre d’Yves Jacob, Les Anges maudit de Tourlaville, l’histoire vraie de Marguerite et Julien de Ravalet, il y’a plusieurs années.

Quand j’ai eu la chance et la joie de recevoir une invitation de la part de l’Office du Tourisme de Cherbourg et de La Cité de la Mer, à passer un weekend dans le Cotentin, et que j’ai vu qu’une visite privée des pièces non accessibles au public du château était au programme, j’étais aux anges!

Je n’avais jamais pu me rendre à l’intérieur. J’avais déjà parcouru le parc, mais, de grands travaux de rénovation ayant cours au château, l’intérieur était toujours inaccessible lors de mes précédentes venues.
Alors, pouvoir l’explorer de fond en comble me paraissait impossible!

C’est donc en compagnie de Thierry Barreau que nous nous sommes faufilées dans les pièces non ouvertes au public de la bâtisse.
J’avais un peu l’impression d’être une petite fille en explorant tous ces recoins!
Malheureusement, le château est en piteux état. Les travaux de rénovation coutent une fortune, et, comble de malchance, les poutres et parquets ont été infestés par la mérule, un champignon qui attaque le bois.
Il manque actuellement des fonds de plusieurs millions d’euros pour pouvoir rendre ces espaces accessibles. Ca m’a vraiment fait mal au coeur de voir l’état de délabrement de certains espaces. Mais de façon contradictoire, cela rend les vestiges du passé encore visible d’autant plus intéressants.

En plus de son histoire familiale violente, le château fut également un bien qui passa de mains en mains à travers les siècles. En témoigne l’architecture de style Renaissance et la façade de shiste bleue typique du Cotentin, mais aussi la tour médievale, et les équipements du XIXe siècle. Chacun des propriétaires a ainsi laissé sa patte à l’ensemble.

A la fin du XIXe siècle, Napoléon III est venu inaugurer l’arsenal de Cherbourg et la statue de Napoléon 1er.
Théophile Gautier faisait partie du voyage et s’est rendu au château des Ravalet. Il fut surpris de constater que le château avait été aménagé en ferme et qu’il partait à vau-l’eau.
Il raconta cette anecdote dans ses mémoires, et la famille de Tocqueville, alors propriétaire du Château, fut tellement piquée au vif par cette remarque, qu’elle entreprit de rénover les lieux. On mis alors en place une installation électrique ultra moderne qui illuminait tout le château, ainsi que le parc, la grotte et la serre!

Je n’ai pas pu prendre de photo de l’installation située en sous-sol, car elle ne fonctionne plus et, en raison de l’obscurité, elle reste difficile à photographier, mais c’est assez surprenant de se rendre compte de la modernité de celle-ci pour l’époque!

Puis, le château fut occupé par les allemands et les américains durant les deux guerres mondiales. La plus haute tour fut ainsi transformée en hôpital militaire, et on peut trouver la trace de mots griffonnés par les poilus sur les murs.

Nous avons commencé l’exploration par les caves.
Un passage sous-terrain permet de rallier l’intérieur du château à la tour médiévale (la ruine sur le côté gauche quand on contemple la façade extérieure). Nous avons donc gravit les marches montant au sommet, et avons contemplé ainsi les communs vu d’en haut.

Nous avons également découvert la chapelle expiatoire, bâtie par Jean III de Ravalet à la place de la chambre de Julien, afin d’obtenir le pardon pour l’inceste commis par ses enfants.

La visite s’est poursuivie par les pièces accessibles du château, comme la salle à manger, la salle des gardes, le petit et le grand salon, ainsi que par la célèbre Chambre bleue.
Si vous effectuez la visite du Château des Ravalet, vous pourrez vous aussi contempler cette pièce bleutée.

Je n’avais vu celle-ci que via des gravures. Pouvoir y entrer était magique.

Contrairement à ce que beaucoup pensent, il ne s’agit pas là de la chambre de Marguerite, mais d’une chambre créée pour elle, par Charles de Franquetot, dont elle était la grande-tante.

Charles de Franquetot était amoureux de Marguerite lui-aussi. Il commanda après sa mort, la réalisation du célèbre tableau Marguerite et les Amours.

A sa mémoire, la chambre bleue fut pour lui une façon de faire son deuil. Malheureusement, il fut assassiné par son valet de chambre dans le château.

Il n’en fallait pas plus pour que tout le monde murmure que la famille et le château étaient maudits!

Nous avons ensuite été conduits dans les appartements de Marguerite.
Malheureusement, il ne reste pas grand chose  du lieu, bien qu’on puisse encore contempler les embrasures de portes.

Nous nous sommes ensuite tournés vers les escaliers et la Tour des vents. L’escalier est très beau et des tableaux sont visibles au plafond et aux murs.

Je n’ai pas encore vu le film de Valérie Donzelli, Marguerite et Julien, même si quelques projections presse ont déjà eu lieu. Il devrait sortir en salle en décembre, j’ai hâte de voir ce que cela donne, car le guide nous a fourni quelques anecdotes de tournage.

Ainsi, un tapis a été installé dans l’escalier, comme cela se faisait autrefois. Mais il fallait alors poser des baguettes pour le faire tenir au sein d’arceaux prévus a cet effet et qui sont encore visible sur les marches.
L’équipe a alors demandé s’il était possible de trouver des baguettes. Eh bien figurez-vous qu’en fouillant dans le château, celles-ci ont été retrouvées! Incroyable non?
L’embrasure des fenêtres et quelques murs ont également été décorés de tentures et de films opaques, afin d’en modifier la couleur, sans pour autant dégrader l’existant.

Je me demande maintenant ce que donne cela vu sur grand écran! Et au diable les mauvaises critiques cinématographique ayant été publiées suite à la projection au Festival de Cannes, je suis souvent déçue par les films encensés par les professionnels, qui certes, sont techniquement remarquables, mais que je trouve, pour certains, bien plats et sans saveur.

Nous nous sommes infiltrés dans une tout petite bibliothèque. Quelques éléments tiennent encore aux murs, et on distingue sur une porte le blason de la ville de Cherbourg.

En nous rendant au sommet de la tour, nous pouvions nous imaginer la vue imprenable qu’avait la famille de Ravalet sur le parc du château, mais aussi sur la mer.
Plus que la vue, c’était surtout le retour des bateaux qu’elle affrétait, que la famille guettait régulièrement. A l’époque, la mer était beaucoup plus proche du château qu’elle ne l’est aujourd’hui, les travaux de la grande rade grignotant la mer ayant été mis en oeuvre des siècles après leur mort.

Le guide nous a alors permis de découvrir un vestige du passé. La tour a servi d’hôpital militaire durant la première guerre mondiale, et, derrière le papier peint défraîchi, on distingue quelques mots griffonnés par les poilu, et des dates: 1914 et 1915.

Comme c’est étrange de constater la grande Histoire et les petites histoires qu’on vécu chacune des personnes qui sont passées entre ces murs! Et comme cela rend difficile l’idée de savoir que le château des Ravalet est aujourd’hui en train de mourir à petit feu, grignoté par ces horribles champignons!

J’espère sincèrement que la ville de Cherbourg-Octeville, qui est propriétaire du Château des Ravalet depuis 1962, trouvera les fonds nécessaires à la rénovation complète de celui-ci, et que mon article vous donnera envie de visiter le parc et le château.

Des visites guidées et des expositions temporaires peuvent être effectuées gratuitement et en accès libre sans réservation, en Juillet et Août.
Pour 5€ vous pourrez même, comme nous, effectuer une promenade en calèche dans le Parc, qui détient plusieurs labels (dont celui de Jardin remarquable et d’écojardin). Le domaine est également classé Monument Historique.

J’avais tellement hâte de partager avec vous ces photos! J’ai vraiment adoré cette visite (je pense que vous l’aviez compris en lisant ce long pavé de mots! Un jour, peut-être, je parviendrais à écrire des articles courts et concis sur ce blog…).

J’espère que mon petit article vous donnera, à vous aussi, envie de partir sur la trace de Marguerite et Julien de Ravalet!

Merci à l’Office du Tourisme de Cherbourg-Octeville, à Anne et Mr Barreau pour nous avoir permis de réaliser cette incroyable visite privée.